Changement d'heure : Impact sur la sécurité routière

Rédaction : octobre 2018

À la suite d'un certain nombre de demandes émanant de citoyens, du  Parlement européen et de certains États membres de l'UE, la Commission européenne a décidé d'examiner le fonctionnement des actuelles dispositions  européennes relatives à l'heure d'été et d'évaluer si elles devraient  être modifiées ou non. Dans ce contexte, la Commission a lancé une consultation du publique portant sur les actuelles dispositions européennes relatives à  l'heure d'été et sur une éventuelle modification de ces dispositions. Parmi les arguments avancés pour justifier un tel reexamen, figure celui de la sécurité routière. La commission estime que les éléments de preuve ne sont pas concluants en ce qui concerne le  rapport entre les dispositions relatives à l'heure d'été et les  accidents de la route. En principe, la privation de sommeil liée à  l'avancement de l'heure au printemps pourrait accroître le risque d'accidents. Dans le même temps, on considère que la clarté supplémentaire les soirs d'été a un effet positif sur la sécurité routière. Toutefois, il est généralement difficile de déterminer l'effet direct des dispositions relatives à l'heure d'été sur les taux d'accidents par rapport à d'autres facteurs.

Pour autant, des facteurs de risque ont été mis en évidence, notamment en France pour ce qui concerne la sécurité des piétons.  Rappelons que l'heure d'été a été réintroduite en France en 1976 à la suite du premier choc pétrolier par souci d'économie d'énergie. Elle crée un décalage de deux heures par rapport à l'heure solaire. Depuis 2001, le changement d'heure d'hiver et d'étése fait à une heure définie: la période de l'heure d'été commence à 1 heure du matin, le dernier dimanche de mars ; la période de l'heure d'été se termine à 1 heure du matin, le dernier dimanche d'octobre.

En conséquence, le passage à l'heure d'hiver en France se fait le dernier samedi d'octobre. Concrètement,  avec une heure en arrière, le soleil se lèvera à 7h36  au lieu de 8h36 et il se couchera à 17h36 au lieu de 18h38. Ce changement d'horaire modifie brusquement le temps de jour et nuit. Comme il est connu que la circulation de nuit présente un sur risque d'accident, la  question posée est de savoir si ce changement d'horaire peut avoir un effet sur la sécurité routière et si oui dans quel sens joue-t-il ?

Il est vrai que peu d'étude ont porté sur ce sujet. Cependant, elles semblent converger vers les mêmes conclusions. L'étude la plus récente (2013) réalisé par le SVOW1 indique que le début de l'heure d'hiver, qui depuis 1996 aux Pays bas s'effectue le dernier dimanche d'octobre, coïncide avec une augmentation du nombre d'accidents de la route et de victimes en fin de journée. Cet effet s'expliquerait par le fait que l'obscurité commence subitement une heure plus tôt. Le décalage horaire augmente alors le temps d'exposition à l'obscurité d'une plus grande proportion de la circulation à l'heure de pointe. Les auteurs expliquent le nombre plus élevé de victimes de la route par le fait que le risque d'être victime d'un accident (nombre de victimes de blessures par km parcouru) est être plus élevé pendant le crépuscule et l'obscurité qu'à la lumière du jour2. Les piétons en seraient les premières victimes.

Les auteurs suggèrent cependant que cet effet ne se réduit pas aux quelques jours suivant ce changement. Il leur semble plus probable que l'effet négatif sur la sécurité routière se prolonge pendant la période hivernale.  A noter que l'analyse des accidents effectuée par le SWOV ne montre pas un effet en fin d'heure d'hiver et en début d'heure d'été.

Si l'on considère que l'heure d'hiver est l'heure d'origine, le rapport conclut que les effets négatifs de l'heure d'hiver sont en réalité un effet positif à mettre au crédit de l'heure d'été. Ce constat est également mentionné dans d'autres rapports de recherche. Du point de vue de la sécurité routière de vue, le rapport suggère  ainsi d'étudier combien de victimes pourrait être sauvées en maintenant l'heure d'été l'hiver1.

Aucune étude approfondie n'a été conduite en France à ce sujet. Néanmoins, un premier constat identique aux Pays bas a été fait en France lors de l'élaboration du bilan 2011 sur la mortalité des piétons. 30% de la mortalité piétonne survient en novembre, décembre et janvier

La représentation croisée des heures et jours durant lesquelles les piétons sont tués montre l'importance des mois d'hiver (de novembre à février) et des tranches horaires (de 8h à 10h et surtout de 17h à 19h) où des pics de mortalité apparaissent.

La mortalité des piétons est à peu près nulle en pleine nuit. Le graphe montre que l'arrivée de l'heure d'hiver provoque instantanément une surmortalité dans la tranche horaire critique qui passe du jour au lendemain de l'état diurne à l'état nocturne : à mobilité égale, le passage brutal en « scène de nuit  » perturbe manifestement la cohabitation entre usagers et affectent particulièrement les piétons. Ce phénomène s'atténue au fil des semaines mais reste actif jusqu'au rétablissement de l'heure d'été.  Il existe bien un sur risque d'accident en période nocturne. L'heure d'hiver accroît la période d'obscurité à un moment critique pour tous lesusagers, l'heure du pointe du soir, qui se cumulent avec un sur risque lié à la fatigue de la fin de journée. Sont principalement concernés les déplacements domicile/travail. Le sur risque lié à l'heure d'hiver fait probablement plusieurs dizaines de personnes tuées supplémentaires essentiellement les usagers à faible visibilité nocturne : les piétons et les cyclistes.

D'autres études mériteraient d'être menées, notamment dans les pays d'Europe centrale qui subissent deux heures de décalage en terme de fuseau horaire et où la mortalité piétonne est très importante. La nuit tombe donc très tôt l'hiver dans ces pays. C'est fort de ces connaissances que la Sécurité Routière a lancé une campagne d'information en octobre 2017 pour alerter sur le  pic d'accidentalité des piétons lors de cette période. Entre 2012 et 2016, la Sécurité routière constatait que le nombre d'accidents corporels des piétons aux mois de novembre était supérieur de +5,9% par rapport aux mois d'octobre précédents. Pour la seule tranche horaire 17h-19h, cette augmentation des accidents corporels était de 47%.La campagne d'information informait sur l'effet du recul d'une heure avec pour conséquence importante sur la période de luminosité : la nuit tombe alors plus tôt dans la journée, au moment de la sortie des classes ou des trajets  professionnels de fin de journée. La mortalité routière des piétons  atteint son maximum en automne / hiver avec 43% du total annuel sur les  quatre mois d'octobre à janvier.Selon l'Observatoire national  interministériel de la sécurité routière, ce surplus d'accidents serait « une conséquence du temps d'éclairage réduit, les piétons étant difficilement perçus par les autres usagers, alors qu'ils ont l'impression d'être vus. ». Pour ces usagers déjà vulnérables, il est essentiel d'être visible. Il leur est donc recommandé de privilégier des vêtements clairs ou assortis de bandes réfléchissantes.


Référence

1 Dr. F.D. Bijleveld & drs. H.L. Stipdonk Leidschendam, 2013 : The relation between the end date
of daylight saving time and the number of road traffic casualties; Is there an
increase in the number of casualties when the clock is set back one hour?  Stichting Wetenschappelijk Onderzoek Verkeersveiligheid SWOV

2 Johansson, Ö., Wanvik, P.O. & Elvik, R.
(2009). A new method for assessing the risk of accident associated with
darkness.
In: Accident Analysis & Prevention, vol. 41, nr. 4, p.
809-815.

3 RoSPA (2012). Single Double British Summertime Factsheet. Geraadpleegd 01-05-2013 op www.rospa.com/roadsafety/info/british-summertime-factsheet.pdf.

4 Bilan de l'accidentalité routière en France 2011 page 22

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