Les mesures "vitesse"

Le CISR du 11 janvier 2018 est principalement marqué par les mesures 5, 6 , 7 et 8 dont l'objectif est de faire baisser le nombre de morts en réduisant la vitesse moyenne sur les routes les plus accidentogènes. Pour ce faire, la mesure 5 fait déjà grand bruit à savoir

 « Réduire de 90 km/h à 80 km/h les vitesses maximales autorisées (VMA) sur les routes à double-­sens, sans séparateur central en dehors des routes à deux fois deux voies et des routes à trois voies qui sont conçues pour permettre des dépassements sécurisés. Il est instauré une clause de rendez-­vous au 1er juillet 2020 afin d'étudier avec précision et objectivité l'impact sur l'accidentalité de cette mesure. Échéance prévisionnelle : juillet 2018 »

La polémique n'est pas nouvelle. Elle vise à mettre en cause la corrélation entre baisse des vitesses moyennes et baisse de l'accidentalité jusqu'à décliner de nombreux effets négatifs d'une telle mesure, entre autre sur l'économie du Pays. Elle ne surprend pas, les baisses des vitesses maximales autorisées ont toujours fait débat et contestation, attestant si besoin l'importance dans notre société des déplacements automobiles. Il en fut ainsi lors du passage de 60 à 50 km/h de la VMA en agglomération. Les mêmes arguments furent évoqués, avec peut-être un peu moins de virulence car il n'existait pas encore le contrôle/sanction. A l'époque, le nombre de vies épargnées fut d'environ 500 par an. Cette VMA n'est plus discutée. Il est probable qu'il en sera de même du passage de 90 à 90 km/h hors agglomération malgré que la décision politique s'avère plus difficile à faire accepter. A cela, probablement deux maladresses : la première fut de proposer une expérimentation en 2013 à l'issue du rapport du comité des experts du CNSR pour démontrer l'efficacité d'une telle mesure. Le principe d'une expérimentation instillait de facto le doute sur les conclusions de ce comité. De surcroît, l'expérimentation sur une période de deux ans a porté sur à peine 100 km ne permettant aucune conclusion statistiquement significative et donc forcément sujette à critiques. Cela explique peut-être pourquoi les conclusions de cette expérimentation ne sont pas encore publiées.

La seconde maladresse est (pour l'instant, car nous ne connaissons pas encore le texte d'application) d'appliquer la mesure sur tout le réseau bidirectionnel. Or, ce réseau est très hétérogène. Il est composé à la fois de routes très étroites sans marquage et de routes plus ou moins larges avec des marquages plus ou moins complets. A telle enseigne que les départements hiérarchisent ce réseau en fonction de la nature des liaisons et de leur niveau d'aménagement. Il existe en général 3 catégories de routes départementales (voire 4 selon les départements) un peu à l'identique de la classification des routes en ville : les routes principales de liaison (de préfectures à sous-préfectures par exemple), les routes de distribution (de bourg à bourg) et les routes de desserte (entre villages).

La force de la mesure d'abaissement de la vitesse en ville fut de tenir compte de cette diversité de voies et de laisser la possibilité aux maires soit d'abaisser à 30 km/h les voies à caractère de desserte en zone 30, soit de relever à 70 km/h les voies urbaines sous certaines conditions de sécurité. Le rapport du comité des experts a envisagé cette possibilité d'ajustement par les détenteurs du pouvoir de police de la circulation, pour le moins celle de laisser à 90 km/h les routes principales présentant un niveau de sécurité suffisant ou après aménagement de sécurité. C'est la démarche adoptée par le Danemark, pays souvent cité en ce moment par les opposants au 80 km/h.

Il est probable qu'une mesure à deux VMA (80/90) voire à trois comme aux Pays-Bas (60/80/100) aurait été mieux comprise et acceptée, avec, de surcroît, une efficacité comparable.

Il convient maintenant d'attendre la sortie du décret pour savoir ce qui va advenir.

La mesure 6 vise à développer la régulation dynamique des vitesses sur certains tronçons pour adapter la vitesse aux conditions de circulation. Échéance prévisionnelle : 2020. Cette mesure conforte la démonstration précédente sur la pertinence de choisir une VMA soit en fonction de son niveau d'aménagement, soit en l'espèce en fonction de son niveau de trafic. Cette régulation existe déjà sur certains réseaux autoroutiers et n'a d'intérêt que sur des routes très importantes.

La mesure 7 a pour objet de publier sur le site internet de la Sécurité routière une carte présentant l'implantation des radars automatiques sur le territoire français, le lien avec l'accidentalité et les recettes générées, pour une information fiable et transparente des usagers de la route. Le CNSR sera saisi de ces informations pour en tirer les enseignements nécessaires. Échéance prévisionnelle : début 2018. Cette carte a déjà existé, il y a une dizaine d'année. Il s'agit d'une mesure de transparence. Elle fut retirée à une époque où il était difficile de savoir où les radars étaient implantées. Elle risque de soulever un débat  sur les critères d'implantation des radars, qui ne reposent pas simplement que sur le critère de l'accidentalité.

La mesure 8 vise à donner la possibilité à un conducteur contrôlé en excès de vitesse de plus de 40 km/h et faisant l'objet d'une suspension de permis de continuer à conduire, à condition de ne conduire qu'un véhicule équipé d'un contrôleur électronique de vitesse. Échéance prévisionnelle : 2021. C'est une mesure lourde à mettre en ouevre pour un gain faible. Elle fait croire que la majorité des accidents est liée à de très grands excès de vitesse. Il n'en est rien. Il y a à  peine 0,02% des conducteurs qui seraient dans cet excès, représentant moins de d'une centaine d' accidents mortels par an. Certes, le sur risque est évident mais la grande majorité des accidents mortels survient entre 90 et 100 km/ pour ne citer que les routes bidirectionnelles hors agglomération. Ce constat donne d'ailleurs sa pertinence à la sanction visant les petits excès de vitesse. C'est cette sanction qui donne pleinement l'efficacité à une limitation de vitesse. Il y a plus à gagner pour le gouvernement à mettre son énergie, sans attendre car la technologie est opérationnelle, pour que les véhicules soient tous équipés d'un limitateur de vitesse asservi aux VMA (par lecture automatique des panneaux ou GPS). Seule contrainte à court terme : il s'agit de mettre en cohérence des VMA sur tous les réseaux. Or l'observation montre que c'est un peu n'importe quoi en matière de panneaux d'indication des vitesse sur les routes et de cartographie des GPS.


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